L'insurrection, derrière le coin

Le sommeil des nations fait naître des monstres.

Avec RSF, je lave mon internet plus blanc que blanc

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RSF contre la cyber-censure?

Hier, 12 mars 2011, Reporters Sans Frontières (RSF) organisait la journée mondiale contre la cyber censure.

Moi, qui suis un utilisateur chevronné  d’internet et sensible à tout ce qui censure, j’étais tout ému. Je me précipite sur les informations pour voir ce que nous disait RSF et je découvre la liste noire des pays qui mènent la guerre à la liberté sur le web: Arabie Saoudite, Birmanie, Chine, Corée du Nord, Cuba, Iran, Ouzbékistan, Syrie, Turkmenistan… Ah, les méchants, les ignobles, les censeurs! Heureusement que RSF est là pour m’en informer!

A première vue, sachant que RSF est une ONG qui a les moyens d’investiguer, recevant entre autres de gros financements du gouvernement américain (moi qui croyais que c’était une ONG?), je me dis qu’ils savent de quoi ils parlent. Mais en regardant de plus près, non, ils ne savent pas de quoi il parlent (enfin, faisons semblant que ce n’était pas intentionnel de leur part et que toute coïncidence avec l’attaque des cibles des USA n’est que fortuite).

Ainsi, Cuba se trouve dans la même liste que forment des pays comme l’Arabie Saoudite, la Corée du Nord, l’Ouzbekistan, le Turkmenistan…. Ben voyons! Ces méchants communistes qui ne respectent aucune démocratie et qui maintiennent le peuple cubain dans l’ignorance en censurant le web!

Sur le sujet de l’internet à Cuba, Reporters Sans Frontières ment. Je sais que cela choque les bonnes âmes qui se lavent le cerveau avec la télé, mais RSF ment au sujet de Cuba: il n’y a pas de censure de l’internet à Cuba.

J’entends d’ici les indignations de ceux qui se trémoussent en disant que c’est ignoble, que je suis un partisan des dictatures, que c’est bien connu qu’à Cuba le peuple est muselé, qu’ils n’ont pas droit à internet, que la police surveille et qu’au moindre bruit de clavier en activité il y a un commando des sbires de Castro qui débarque et annihile la pauvre personne éprise de liberté, en l’envoyant pour des longues années au fin fond d’un goulag castriste (et pourtant je les rassure, Guantanamo est contrôlée par les américains!).
Qu’à cela ne tienne! Depuis des années les médias marchands et RSF martèlent (où plutôt goebbelsent) qu’à Cuba internet est réservé aux touristes, dans les hôtels, qu’il est très cher, que les cubains n’y ont accès et qu’il est très lent, signe évident de censure de la part d’un système qui veut du mal à tout le monde. Mais que se cache-t-il derrière tout ceci?

Je tiens tout d’abord à signaler à tous ceux qui ne se sont pas donné la peine de s’informer et se sont contentés de lire la presse marchande que Cuba n’a jamais pu se relier directement à internet. Pour cause: les Etats-Unis lui ont refusé la possibilité de se connecter au câble qui passe à côté de l’île et les relie au continent européen. Question d’embargo et d’emmerder les cubains, disent-ils.
Cet embargo que l’ONU condamne à l’unanimité mais qui écrase Cuba depuis cinquante ans. Je veux bien qu’on critique Cuba pour une censure inexistante, mais qu’on aille jusqu’au bout des choses: les USA sont le plus grand censeur de l’internet cubain! Comment est-ce qu’on peut critiquer un pays pour la censure de l’internet, alors qu’il n’a même pas eu la possibilité de se relier aux câbles internet sous-marins?

Pour palier à cette absence de connexion, qui isole dramatiquement l’île des Caraïbes, les autorités cubaines se sont orientées vers la seule possibilité qui leur restait: la connexion par satellite. Or, cette connexion a deux désavantages de taille: elle est infiniment plus lente que la connexion par le câble sous-marin et coûte quatre fois plus cher. Inutile que je vous fasse un dessin ou tout une conférence creuse et prétentieuse pour vous expliquer que la bande passante pour toute l’île n’équivaut même pas à la bande passante d’un petit quartier d’agglomération française. Et ce, pour 11 millions d’habitants! Pour mieux comprendre, regardons les chiffres: la bande passante de Cuba en 2009 était de 65 mégas en débit descendant et de 128 mégas en débit ascendant. Je vous laisse le soin d’additionner la bande passante que vous avez avec celle de vos voisins pour comprendre qu’il n’est même pas besoin de se référer à tout le quartier, votre voisinage immédiat suffit pour dépasser la bande passante de Cuba.

Face à un tel problème, le gouvernement cubain a été obligé de faire un partage équitable de la bande passante. Certes, les cubains aimeraient avoir tous internet à la maison, comme nous aimons avoir notre propre connexion internet. La priorité de la distribution de cette bande passante a été accordée au réseau universitaire, aux écoles et au secteur touristique, très important dans cet île. Les abonnements privés arrivent en dernier lieu et il faut fournir les preuves de la nécessité d’avoir une connexion à domicile. Il n’y a absolument pas moyen de pratiquer une politique d’abonnements privés, quoi qu’on dise des autorités cubaines: quand vous n’avez pas la bande passante, vous n’avez rien. Que RSF nous explique comment faire autrement, techniquement. Le reste, ce n’est que propagande grassement payée par la CIA.

Heureusement, pour Cuba il existe une solution qui est en train d’être finalisée: l’île sera bientôt reliée à Internet grâce à un câble sous-marin qui est tiré actuellement depuis le… Venezuela (merci Chavez!), alors que le câble américain passe à quelques kilomètres à peine des côtes cubaines.

Qui censure l’internet à Cuba?

Puisque RSF nous parle de la censure de l’internet à Cuba et refuse de nous informer de la situation réelle préférant la propagande américaine, je reviens sur un sujet qui m’a particulièrement révolté l’année passée.

Dans le monde informatique vous trouverez deux univers opposés: l’un étant composé de logiciels et systèmes d’exploitation privateurs (les logiciels non-libres, dont font partie Windows, les produits Adobe, etc, etc) et l’autre de logiciels et systèmes d’exploitation libres,dont Linux et tous les programmes qui l’accompagnent (je profite pour signaler que le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon a appelé à signer le Pacte du Logiciel Libre).

Certains pays, dont Cuba, ont fait le choix des alternatives libres. Naturellement que cela ne fait pas plaisir aux puissants de ce monde, qui voient dans la gratuité et la qualité des produits libres une sérieuse menace pour leurs activités lucratives.

Dans cet univers du logiciel libre vous pouvez trouver des dizaines de milliers de programmes et de projets, partagés à l’échelle internationale. Pour partager les projets informatique et les rendre accessibles aux utilisateurs de la terre entière, des plateformes de partage et de collaboration ont été mises en place à travers le monde. L’une des plus grandes plateformes de partage – incontournable dans le monde du logiciel libre – est SourceForge.

Tous les logiciels libres doivent répondre à la définition de l‘Open Source qui spécifie, entre autres:

No Discrimination Against Persons or Groups
The license must not discriminate against any person or group of persons.

Aucune discrimination contre des personnes ou des groupes.
La licence ne doit faire de discrimination envers aucune personne ou groupe de personnes.

Normalement – et le plus logiquement au monde – un site qui utilise cet univers du logiciel libre doit respecter la règle cité ci-dessus. De même que les logiciels qui sont proposés sur ce site. Je ne pense pas que quelqu’un oserait argumenter le contraire: le bon sens et l’humanité de l’Open Source demandent qu’il n’y ait pas de discrimination, quelques soient les raisons invoquées. Si quelqu’un décrétait que les Français n’avaient plus le droit d’utiliser les logiciels libres (comme Open Office par exemple) ou participer au développement de ceux-ci, les réactions ne se feraient pas attendre. Ce serait une discrimination scandaleuse et parfaitement injuste.

Il y a un an, nous avons connu le conflit opposant la Chine à Google, ce dernier ne voulant pas répondre aux demandes de censure du gouvernement de Pékin. La secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, tenait un discours sur le thème de la liberté d’expression et appelait à « une plus grande liberté de l’expression sur internet et que les grandes compagnes comme Google ne doivent pas appliquer la censure basée sur des motivations politiques ». Même discours que nous tiens aujourd’hui le RSF qui montre du doigt Cuba.

A la même période, en janvier 2010, je vais consulter la page « Termes et conditions d’utilisation » du site SourceForge:

You represent you are not a person on a list barring you from receiving services under U.S. laws or other applicable jurisdiction, including without limitations, the Denied Persons List and the Entity List, and other lists issued by the U.S. Department of Commerce, Bureau of Industry and Security, detailed at http://www.bis.doc.gov/complianceandenforcement/ListsToCheck.htm(or successor sites thereto). Users residing in countries on the United States Office of Foreign Assets Control sanction list, including Cuba, Iran, North Korea, Sudan and Syria, may not post Content to, or access Content available through, SourceForge.net

Traduction rapide: les personnes se trouvant à Cuba, Iran, Corée du Nord, Soudan et Syrie ne peuvent plus accéder à SourceForge. C’était un changement récent dans la politique de cette plateforme de partage, détenue par une société de droit américaine. Changement dû aux pressions des autorités américaines, alors qu’en réalité rien ne les obligeait à imposer cette restriction, ne répondant pas aux conditions imposées par ces mêmes autorités (ils offrent un service de partage, ils n’offrent pas les programmes directement).

En grand (et même en petit) on apprend que d’un côté il ne faut pas collaborer avec les autorités qui demandent de limiter l’accès à internet et qu’il faut faire de la résistance (pour le bien de la liberté) et que de l’autre côté une plateforme incontournable du Logiciel Libre interdit l’accès et la participation aux personnes de certains pays et ce, à la demande des mêmes autorités qui demandent à Google de résister et aux pays incriminés ci-dessus de rendre l’usage de l’internet libre! Plus aucun cubain ne peut télécharger des programmes libres sur Sourceforge ou participer aux publications.

Hypocrisie totale de la part de Hillary Clinton et du discours américain reproduit par RSF. Reporters Sans Frontières qui se garde de nous informer de ce genre de choses mais qui vient brailler que Cuba est l’ennemi de l’Internet. Non, les USA sont l’ennemi de l’internet cubain et du développement informatique cubain qui a fait le choix du Linux et du logiciel libre.

Tant que RSF mène la propagande pour laquelle l’ONG est payée et soutenue par la CIA et le gouvernement américain, je n’ai qu’une chose à lui dire: ta gueule.

4 Réponses

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  1. RSF dénonce les méchants censeurs de l’Internet et établi une liste qui ne correspond pas à la réalité, mais sert à dénigrer les adversaires des États-Unis.
    RSF n’est pas une organisation digne de crédit car son agenda est avant tout politique et idéologique. Comme cela est constatable, il est aisé de mettre l’organisation parisienne face à ses contradictions et de dévoiler ses manipulations. Par ailleurs, RSF ne peut jouir d’aucune légitimité car elle reconnaît être financée par la NED, officine écran de la CIA selon le New York Times qui notait en mars 1997 que la NED « a été créée il y a 15 ans pour réaliser publiquement ce que la CIA a fait subrepticement durant des décennies » …

    ReineRoro

    13/03/2011 at 20:02

  2. Très intéressant votre article. Merci.

    (je débarque chez vous par le truchement du blog de Melenchon, comme vs le savez certainement… Ceci pour vous dire de vous méfier : le modérateur de son blog a de grands ciseaux (genre bellaciao). Je vous dis ça parce que vous écrivez que vous êtes « sensible à tout ce qui est censure » et donc je pense que ce que je dis là n’est pas hors-sujet ?)

    Bonne continuation à vous et encore bravo

    Chilihane

    13/03/2011 at 23:18

  3. Je découvre… Cuba ne m’a jamais fait rêver mais reconnaissons que l’embargo est une honte. Je ne pensais que ça allait jusque-là.

    des pas perdus

    16/07/2011 at 11:53

    • C’est encore plus honteux surtout que Cuba se base sur Linux et c’est le pays où il connait le plus de parts de machines. Je te dirais aussi que l’Iran ne me fait pas rêver, mais c’est une honte d’empêcher les iraniens d’utiliser les programmes ou les codes sources de ce site incontournable dans le monde du libre.

      Ecoeurant, ce double discours hypocrite.

      L'insurgé

      16/07/2011 at 12:05


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